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Conformément au décret du 17 mars 1790 qui l’institue, le comité d’Aliénation se compose de 12 membres, à savoir : l’abbé de Montesquiou (remplacé par Prugnon), La Rochefoucauld (duc de), Bureaux de Puzy, Merlin, Delay d’Agier, Dupont (de Nemours), abbé de Coulmiers (remplacé par Poignot le 9 octobre 1790, puis par Debourge le 31 janvier 1791), Le Goazre de Kervélégan, M.-D. Lavie (remplacé par Albert le 20 mai 1791), Bouteville-Dumetz, De Menou et De Kytspotter. Un décret du 1er octobre 1790 leur adjoint les neuf députés suivants : Creuzé de Latouche, Viguier (remplacé par Ramel-Nogaret le 20 mai 1791), Pougeard Dulimbert, Lemaréchal, Prévost, Saliceti, Fisson-Jaubert et Camus.
La partition du travail entre les membres s’effectue d’emblée selon le critère géographique : chaque section ou division est associée à un député et à certains départements (D/XXI/1, d. 2, p. 1, [1790] ; cf. également la « Notice des travaux des comités de l’Assemblée », lue par A.-G. Camus le 13 octobre 1791). Les membres du comité établissent un ordre de travail très rigoureux, précisant la répartition des tâches et les méthodes à suivre dans le traitement des demandes de soumission (D/XXII/1, d. 3, p. 8) :
« 1° Le travail sera partagé entre les douze commissaires, d’après la répartition qui a été faite.
2° Chacun de MM. les commissaires aura son bureau particulier, composé de deux pièces : la grande pièce servira aux différents commis. Le commissaire disposera de l’autre comme il le trouvera bon.
3° Il y aura un bureau général, dirigé sous l’inspection du comité et particulièrement de M. le président et MM. les secrétaires et des deux inspecteurs nommés par le comité.
4° Le premier commis du secrétariat général fera l’ouverture des lettres et paquets ; il en fera ensuite la distribution entre les chefs de bureau après avoir inscrit les demandes sur le registre qui sera appelé le Registre de la daterie, et qui contiendra la date des soumissions, la date de la réception, le nom du département, celui des municipalités et des particuliers, le numéro de la division.
5° Lorsque le 1er commis du secrétariat général aura remis à chaque division les soumissions ou mémoires qui la concernent, le chef de bureau placera ces pièces dans un carton intitulé « Pièces à extraire », en distinguant dans des feuilles, pour chaque département, les soumissions des municipalités de celles des particuliers.
6° Lorsqu’il se présentera quelques mémoires contenant des questions générales ou de droit, le chef de bureau les placera dans un carton intitulé « Questions à décider ». Pour abréger le travail du comité relativement à ces questions, les chefs de bureau se communiqueront respectivement, dans leurs conférences ordonnées par l’article 25 ci-après, toutes les difficultés qui auront été proposées et examineront si elles ne sont pas résolues par des décisions déjà intervenues et dont il y aura un registre dans chaque division, afin de ne rapporter au comité que celles qui sont encore indécises, sauf à n’appliquer les décisions précédemment rendues aux questions qui seront proposées que de l’avis et sous la signature du commissaire de la division à laquelle ces questions auront été adressées.
7° Il y aura deux registres par département, l’un pour les municipalités, l’autre pour les particuliers. Ces registres contiendront le numéro et l’article, la date de la soumission, celle de l’enregistrement, la municipalité, le canton et le district où sont situés les biens, le nom du soumissionnaire, les objets demandés, les sommes offertes, les décisions du comité, la date de l’envoi des réponses et la lettre du carton où est l’affaire ; les textes de ces registres seront écrits à la main ou imprimés et les registres fournis au comité seront employés les premiers.
8° Les enregistrements se feront par extrait, de manière que les états de soumissions à envoyer aux départements soient les copies des registres.
9° Il y aura un répertoire par département et par ordre alphabétique pour indiquer le numéro et la date de l’enregistrement de la soumission et ce répertoire portera en outre le nom des soumissionnaires, celui de la municipalité, du canton et du district où sont situés les biens.
10° Chaque soumission, avant que d’être mise dans l’enveloppe qui lui sera destinée, portera 1° la date de l’enregistrement du secrétariat général, 2° le numéro de la demande, 3° le numéro de la feuille de l’extrait qui sera celui du registre du département.
11° Les soumissions, après avoir été enregistrées, seront placées dans une liasse sous la même enveloppe qui sera divisée en 6 colonnes, qui comprendront 1° le nom du soumissionnaire, 2° le n° de la demande, 3° celui de la feuille de rapport, 4° celui de l’extrait, 5° la date des envois aux départements, 6° celles des renvois par eux faits et les sommes offertes.
12° L’enveloppe portera le nom du département ainsi que celui du district. Il y en aura une pour les municipalités et une pour les particuliers de chaque district où sont situés les biens demandés.
13° Il y aura un carton pour chaque département où seront déposées les soumissions au moment de leur arrivée, jusqu’à ce que les extraits en soient faits, et alors, elles seront placées dans le carton du district où sont situés les objets demandés.
14° Chaque district aura une enveloppe particulière sur laquelle seront inscrits, par ordre de numéros, les noms des cantons qui le composent et chaque canton aura aussi une enveloppe particulière qui portera le numéro de l’enregistrement, la date de la réception, le nom et la demeure du soumissionnaire et la somme offerte.
15° Avant de faire enregistrer la soumission sur le registre du département, le chef de bureau en accusera la réception au soumissionnaire, afin de le tranquilliser en lui faisant l’envoi du décret rendu le 15 août, avec quelques additions si on le croit nécessaire.
16° Il y aura un carton par département qui sera intitulé « Correspondance » et dans lequel on placera les états de correspondance envoyés au comité par les départements et toute la correspondance relative aux envois de soumissions qui leur seront faites par le comité.
17° Les affaires particulières auront chacune un dossier sur lequel, avec les noms du département, du district, du canton et de la municipalité, on mettra l’extrait de la question ; lorsqu’il aura été donné une décision au comité, il en sera fait mention sur le dossier.
18° Les chefs de bureau joindront au dossier de chaque affaire particulière, les observations qu’ils auront faites sur cette affaire, afin de mettre MM. les commissaires à portée de proposer plus facilement leurs avis au comité.
19° Lorsqu’il y aura une décision donnée par le comité sur une question générale ou particulière à un département, elle sera inscrite par numéro sur un registre tenu à cet effet au secrétariat général, avec l’objet de la question décidée, et la copie de cette décision sera remise à chaque division pour être placée ainsi qu’il suit.
20° Les décisions du comité seront placées dans chaque division dans un carton intitulé « Décisions du comité » et, sur l’enveloppe qui les contiendra, il sera mis le numéro et l’objet de la décision.
21° Les commissaires veilleront 1° à ce que les cartes de départements demandées au comité de Constitution soient remises à chaque division, 2° à ce que le comité Ecclésiastique fasse pareillement remettre à chaque division le catalogue des bénéfices compris dans chaque département, 3° et à ce que le comité des Domaines fasse également remettre à chaque division un catalogue des domaines royaux et apanages compris dans chaque département.
22° Il sera délivré à chaque chef de bureau un exemplaire de la collection des décrets de l’Assemblée nationale rendus sur les rapports des comités Ecclésiastique, des Dîmes, des Domaines et de l’Aliénation des domaines nationaux
23° Le premier commis du secrétariat général sera chargé de faire prévenir par une lettre circulaire chacun de MM. les commissaires toutes les fois que le comité devra s’assembler à un autre jour et heure que ceux convenus, qui sont les mardi, jeudi et samedi, à neuf heures du matin. MM. les commissaires ayant choisi ces jours désignés, ils sont prévenus qu’ils ne recevront pas de lettres particulières.
24° Il sera délivré à chaque chef de bureau, sur son récépissé, après que leurs bons auront été visés par MM. Dumetz et l’abbé d’Abbecourt, nommés commissaires par le comité, qui en tiendront un registre divisé en autant de colonnes que de bureaux, tous les objets de fourniture nécessaires à sa division et ces récépissés seront représentés au comité lorsqu’il s’agira d’arrêter les mémoires des fournisseurs.
25° Les chefs de bureau se rassembleront tous les lundis et vendredis, à 7 heures du soir, pour se communiquer les difficultés qui se présenteraient dans leurs divisions et y faire les observations dont elles leur paraîtront susceptibles, pour ensuite les mettre sous les yeux de leurs commissaires.
26° Les ordres à donner à l’Imprimerie nationale pour le comité seront signés par MM. Dumetz et De Coulmier, et il ne sera rien fourni par l’imprimeur, sans leur signature.
27° Il est expressément défendu à aucun chef de bureau de signer aucune lettre ni envoi.
28° Les chefs de bureau rendront compte à chaque commissaire de l’exactitude des secrétaires à se rendre à l’heure au travail, qui sera, pour le matin, depuis neuf heures jusqu’à deux et, pour le soir, depuis cinq jusqu’à neuf.
29° Les secrétaires se concerteront ensemble afin qu’il y en ait tous les jours à tour de rôle deux de garde depuis deux heures jusqu’à cinq ; ces derniers resteront dans les bureaux afin de répondre aux demandes du public et recevoir les soumissions. Les chefs de bureau ne seront jamais de garde. Les deux secrétaires qui auront été de garde seront libres à cinq heures, et ils ne rentreront pas le soir au bureau.
30° MM. Dumetz et De Coulmier, nommés inspecteurs par le comité, veilleront à ce que le présent règlement soit observé dans chaque division.
Fait au comité le 26 août 1790. Signé La Rochefoucauld, président, Pierre Delay, secrétaire du comité ».
Nota. Certains des registres mentionnés ici se trouvent dans la sous-série Q/2.
Compte tenu de la valeur juridique et de la place centrale des décrets d’aliénation dans la procédure, les membres du comité établissent un ordre de travail spécifique à l’opération de collation de ces décrets avant l’envoi des extraits aux autorités locales pour faire valoir le transfert de propriété sur les biens soumissionnés (D/XXII/1, d. 3, p. 11 : Ordre de travail pour la collation des décrets d’aliénation aux municipalités, remis le 24 novembre au comité des décrets) :
« 1° Diviser par département les expéditions venues de la chancellerie ;
2° faire un état par département, conformément au modèle ci-contre, de toutes les expéditions ;
3° prendre aux Archives nationales les cartons qui contiennent les pièces originales envoyées au comité d’Aliénation ;
4° joindre à chaque expédition, la minute des procès-verbaux déposée aux Archives nationales, celle de la sanction également déposée aux Archives et celles de la sanction de la Chancellerie.
Il faut, pour faire les collations d’une manière exacte et prompte, cinq personnes : l’une lira l’état qui forme la pièce originale envoyée au comité d’Aliénation, et les quatre autres se diviseront les quatre pièces qu’il faudra rendre conformes à cet état.
La personne qui aura sous les yeux l’expédition de la Chancellerie aura un errata conforme au modèle ci-contre, qu’il remplira au fur et à mesure des erreurs qu’il apercevra ; celle qui aura sous les yeux la minute des procès-verbaux déposée aux Archives nationales fera, à la plume, les corrections, de la même manière qu’on les fait sur une épreuve ; ces corrections devront être paraphées par un des membres du comité des Décrets (M. Bernard), qui fera, en outre, un errata conforme au modèle ci-contre, lequel sera remis au bureau des Procès-verbaux.
Les deux autres personnes qui auront deux minutes de sanction des Archives et de la Chancellerie, feront également les corrections à la plume et elles devront être paraphées par le même commissaire.
Si les minutes de sanction ou l’expédition de la Chancellerie n’indiquent pas le nom du commissaire qui a signé la minute des procès-verbaux, il faudra avoir recours à cette minute et mettre sur les autres pièces le nom du commissaire qui l’aura signée ; si, au contraire, elle ne se trouve pas signée, il faudra la faire signer par M. Camus, qui était membre du comité d’Aliénation et qui peut, à ce titre, signer les actes de ce comité et mettre sur les minutes de sanction et expédition « signé Camus pour le commissaire ».
Les cinq personnes chargées de ce travail examineront, 1° si les deux totaux qui se trouvent, l’un dans le préambule du décret, l’autre, à la fin, sont conformes à celui qui résulte de l’addition des objets estimés et évalués ; 2° si, dans les décrets rendus depuis le 9 mars dernier, il ne se trouve pas des droits incorporels ; s’il s’en trouve, ils en feront une déduction motivée sur le total du décret et la feront parapher ; il ne faudra pas omettre d’en faire mention sur l’errata destiné aux procès-verbaux ; 3° et, si des décrets ne contiennent pas des parties de bois dont la quantité excède 100 arpents, dans ce cas, il faudra examiner si, parmi les pièces originales envoyées au comité d’Aliénation, il ne se trouve point une décision du comité des Domaines qui en autorise la vente, et s’il n’en existe pas, il faudra faire, de la même manière que pour les droits incorporels, une déduction motivée de leur montant, sur le total du décret, et ne pas oublier de rendre conformes les trois totaux du décret ».
rico:history
On entend par aliénation des domaines nationaux le transfert de propriété sur des biens appartenant à la nation vers des personnes physiques ou morales qui ont demandé à en faire l’acquisition.
Contrairement aux autres comités, celui d’Aliénation est créé, le 22 mars 1790, non par un décret spécial, mais de biais. Un décret du 17 mars avait ordonné l’aliénation aux municipalités des biens dont la vente avait été votée le 19 décembre 1789 ; la ville de Paris avait offert d’en acquérir la moitié. En conséquence, l’Assemblée constituante décide de la nomination de « douze commissaires pris dans toute l’assemblée, pour aviser, contradictoirement avec les membres élus par la municipalité de Paris, au choix et à l’estimation desdits biens, jusqu’à la concurrence des deux cents millions demandés par ladite municipalité ». Ces commissaires (députés membres du comité) sont également chargés de surveiller et d’accélérer la revente de ces biens aux particuliers. Les fonctions du comité sont donc de deux ordres : législatif, par la préparation des décrets relatifs à son champ de compétence, et administratif, par la rédaction de circulaires, la correspondance avec les autorités constituées sur l’interprétation des textes législatifs (notamment le décret du 14 mai 1790), le contrôle des recensements et des évaluations, l’examen des soumissions et la surveillance des adjudications. La correspondance avec les administrateurs des départements est essentielle dans le processus d’aliénation, notamment pour vérifier la disponibilité des biens ecclésiastiques à la vente et faire des recherches sur les nombreuses affaires contentieuses et les réclamations contre les estimations.
L’ampleur de la tâche a vite nécessité de diviser la France en sections pour pouvoir mieux répartir le travail entre les membres. Malgré cela, le comité, débordé, doit cesser ses fonctions administratives le 31 août 1791. Elles lui avaient été attribuées par crainte de lenteurs du pouvoir exécutif dans la gestion des dossiers ; c’est à ce même pouvoir que l’Assemblée constituante confie la gestion de l’aliénation des domaines nationaux, en désignant elle-même le successeur du comité en la matière : la Caisse de l’extraordinaire. Instituée par le décret du 21 décembre 1789 portant aliénation de biens nationaux immobiliers pour une valeur de 400 millions de livres, cette caisse est dirigée par A.-L.-A. Amelot, « commissaire du roi, administrateur de la Caisse de l’extraordinaire », puis « administrateur des domaines nationaux ». Depuis l'entrée en vigueur des décrets des 19 et 21 décembre 1789, Amelot contrôlait les ventes ; à partir du 1er septembre 1791, il les dirige véritablement. Désormais, « le Comité d’Aliénation n’exercera plus d’autres fonctions que celles qui vont être désignées. Il préparera et rapportera à l’Assemblée nationale les projets de lois nécessaires à la suite de l’opération de l’aliénation des biens nationaux. Il lui fera également le rapport des décrets qui restent à rendre au profit des municipalités ; il surveillera, de concert avec les commissaires de la Caisse de l’extraordinaire, les opérations confiées au commissaire du roi, administrateur, pour en instruire l’Assemblée nationale, toutes les fois qu’il sera nécessaire » (décret du 26 août 1791, art. VII). Le comité ne conserve, dès lors, que le contrôle des opérations des commissaires nommés par l’Assemblée pour surveiller les travaux de la Caisse de l’extraordinaire.
Le comité d’Aliénation de la Constituante n’a pas de successeur sous la Législative. Les rapports sur les projets de décrets concernant les biens nationaux, la Caisse de l’extraordinaire et les assignats sont alors présentés par le comité de l’extraordinaire des Finances, créé par un décret du 5 décembre 1791.
La Convention décide, le 21 octobre 1792, de reconstituer un comité d’Aliénation, en réunissant « les deux sections, l’une du comité des Finances, l’autre du comité des Domaines, qui étaient chargées de l’aliénation des biens nationaux, de ceux de la ci-devant liste civile, de l’ordre de Malte et autres ordres de chevalerie, et des biens des émigrés ». Le décret précise que le nouveau comité d’Aliénation « demeurera séparé du comité des Finances et de celui des Domaines ». L’Assemblée conserve, en parallèle, les organes administratifs chargés de la gestion des biens nationaux, des ventes et de l’exploitation des biens. Parallèlement, un décret du 24 octobre 1792 charge le ministre de l’Intérieur de surveiller la vente des meubles provenant des maisons royales, des établissements religieux ou des émigrés. Il revient notamment à ce ministère d’avoir veillé à ce que les objets de sciences et d’arts soient exceptés des ventes, conformément aux lois, et que les objets précieux soient vendus au meilleur prix.
Sur proposition du comité de Salut public, le comité d’Aliénation est réuni à celui des Domaines par un décret du 2 brumaire an II. Enfin, à la faveur du grand décret du 7 fructidor an II portant réorganisation des comités de la Convention, l’aliénation des domaines relève, pour la partie législative, des attributions du comité des Finances et, pour la partie exécutive, de la commission exécutive des Revenus nationaux puis du ministère des Finances.
Les biens nationaux : définitions et finalités de l’aliénation
Biens nationaux / domaines nationaux :
Les biens nationaux se divisent en deux catégories :
1° on appelle biens de première origine ceux acquis par nationalisation et antérieurement possédés par le clergé, mais aussi ceux de la Couronne, du domaine royal, des institutions de bienfaisance, etc. Concernant cette première catégorie, le décret fondateur est celui du 2 novembre 1789 qui met les biens du clergé à la disposition de la nation. S’ensuivent d’autres décrets qui réservent un sort identique aux biens d’autres types d’institutions d’Ancien Régime (fabriques, collèges, Liste civile, etc.) ;
2° on appelle biens de seconde origine ceux confisqués aux émigrés, aux absents, aux condamnés et aux prêtres déportés, ainsi que les successions en déshérence. Placés « sous la main de la nation », autrement dit sous séquestre, par un décret du 9 février 1792, les biens des émigrés sont assimilés à ceux de première origine par décret des 30 mars – 8 avril suivants, portant qu’ils seront « administrés, de même que les domaines nationaux, par les régisseurs de l’Enregistrement, des domaines et droits réunis ». Dès lors, ces biens forment « le gage de l’indemnité due par les émigrés à la nation ». Leur mise en vente est décrétée le 27 juillet 1792 et placée sous la surveillance de l’administrateur des Domaines nationaux (décret du 11 mars 1793).
Les biens nationaux forment l’hypothèque de la dette publique, le gage des créances de l’État, sous réserve, toutefois, qu’ils soient aliénables, c’est-à-dire, d’une part, apurés des anciens droits, hypothèques et privilèges pouvant y être associés et, d’autre part, non expressément exclus de la vente par un décret de l’Assemblée. Les constituants ont, en effet, déclaré inaliénables les bois et forêts et certains biens mobiliers réservés tels que les objets de sciences et d’arts, les métaux précieux ou les chevaux (cf., sous la cote D/XXII/1, dossier 8, les « arrêtés des comités d’Aliénation et Ecclésiastiques réunis, relatifs à la conservation et à la disposition des effets mobiliers faisant partie des biens nationaux »).
La vente des biens nationaux vise avant tout à résoudre les problèmes financiers de l’État (biens de 1re origine), puis à punir les ennemis de la Révolution et à financer la guerre (biens de 2nde origine). Par ailleurs, l’Assemblée opte rapidement pour une division des biens nationaux en lots, dans le double objectif de limiter l’agiotage et de multiplier le nombre de petits propriétaires. La majorité des ventes de biens de 1re origine a lieu au cours de l’année 1791 ; celles des biens de 2nde origine se concentrent entre 1793 et 1795.
Après le décret fondateur du 14 mai 1790, ordonnant l’aliénation de biens nationaux pour une valeur de 400 millions, c’est sur une proposition du comité d’Aliénation du 13 juin suivant que l’Assemblée nationale décrète l’aliénabilité de tous les domaines nationaux (autres que les forêts et les biens dont la jouissance est réservée au roi), aux conditions fixées par le décret du 14 mai.
Après le 10 août 1792, l’Assemblée législative élargit l’usage du produit de la vente des biens nationaux à tous les besoins de l’État, au-delà de la seule question de la dette publique, y compris sous forme de « récompenses territoriales » accordées aux « défenseurs de la Patrie » (décrets des 27-28 juin 1793).
Tous ces transferts de propriété ont été reconnus irrévocables par les régimes politiques suivants et systématiquement exclus des moyens d’indemnisation mis en œuvre de la Convention à la loi dite du milliard des émigrés, du 23 mars 1825.
Les assignats :
D’après le mémoire lu par Necker à l’Assemblée nationale le 14 novembre 1789, le déficit public pour 1789 est estimé à 90 millions de livres. Pour honorer une telle dette et rétablir la confiance publique, l’Assemblée se résout à l’émission de papier-monnaie gagé sur la vente des biens ecclésiastiques : elle décrète la fabrication d’assignats pour un montant strictement équivalent à celui de la valeur des biens qu’elle jugerait à propos de mettre en vente. Ces assignats sont destinés en priorité au paiement des dettes publiques, puis au remboursement du capital des rentes viagères, puis celui des charges, offices, etc.
En exécution des décrets des 19 et 21 décembre 1789, il est émis, sur la Caisse de l’extraordinaire, pour 400 millions d’assignats, productifs d’un intérêt de 5 % et admis de préférence dans le paiement des biens nationaux.
Des biens nationaux sont donnés en paiement des dettes de l’État ; par suite du transfert de propriété vers les créanciers, le Trésor fait brûler une quantité d’assignats égale au montant de la créance liquidée. De même, les assignats donnés en paiement par les acquéreurs de biens nationaux sont brûlés, afin de ne conserver en circulation qu’une quantité d’assignats égale à la valeur des biens nationaux dont ils sont le gage.
La chute de la valeur de l’assignat a donné lieu à une crise financière de grande ampleur, mais qui a mobilisé davantage le comité des Finances que celui d’Aliénation. Les procédures administratives restent relativement imperméables à ce genre de cataclysme, dans la limite de réajustements dans les équivalences de valeur entre l’assignat et le numéraire.
La Caisse de l’extraordinaire :
Créée par les décrets des 19 et 21 décembre 1789, elle est organisée par ceux du 6 décembre 1790 et du 2 janvier 1791. L’administration de la caisse est entre les mains du commissaire nommé par le roi à cet effet. Elle ne délivre de sommes qu’en exécution de décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi et en vertu d’ordonnances signées du roi et de son commissaire, où sont précisées la date et la teneur des décrets.
La Caisse de l’extraordinaire est la destination des recettes extraordinaires et sert à acquitter les dettes de l’État.
Recettes. La caisse est destinée à recevoir les revenus et les capitaux qui ne font pas partie des contributions ordinaires : produit des ventes des domaines nationaux, intérêts des obligations données en paiement des acquisitions, produit du rachat des droits féodaux, fruits des domaines nationaux, produit de la dîme, contribution patriotique, reliquat des receveurs du clergé et toutes autres recettes extraordinaires décrétées par le Corps législatif. Les espèces portées en nature à la caisse sont versées immédiatement au Trésor public, qui lui remet en échange pareille valeur en assignats. Ces derniers sont annulés et biffés sur-le-champ.
Dépenses. La caisse abrite notamment le dépôt des assignats à mesure de leur fabrication. Chaque semaine, en présence du commissaire du roi et d’un des commissaires de l’Assemblée, il est délivré au trésorier de la caisse la quantité d’assignats nécessaires pour effectuer les paiements de la semaine.
La Caisse de l’extraordinaire est supprimée au début de 1793 et réunie à la Trésorerie générale, au sein de laquelle Amelot exerce les fonctions d’ « administrateur des domaines nationaux » jusqu’au 24 vendémiaire an II, date à laquelle il est arrêté et remplacé par Laumond.
La régie nationale de l’Enregistrement :
Créée par un décret des 5-19 décembre 1790, elle est chargée de l’enregistrement des actes et des déclarations et de la perception des droits qui en résultent. La régie est organisée par le décret des 16-27 mai 1791 et se compose de douze administrateurs à Paris, d’une direction par département, de recettes dans la plupart des chefs-lieux de canton, sans compter les inspecteurs et les vérificateurs des comptes.
La régie est chargée de l’administration et de l’exploitation des domaines nationaux avant leur aliénation (décrets des 9-20 mars et 19 août-12 septembre 1791). Elle en reverse ensuite les revenus dans les caisses des régisseurs des districts dont dépendent les biens.
La procédure d’aliénation des biens nationaux (17 mars 1790 - 1er septembre 1791)
Les biens nationaux sont tout d’abord vendus sous la surveillance des directoires de district, le département n’étant qu’un intermédiaire de centralisation et de contrôle. La Constitution de l’an III ayant supprimé les districts, le département devient l’organe clef de la vente des biens nationaux.
Le comité d’Aliénation de la Constituante s’occupe essentiellement des soumissions des municipalités et des particuliers, autrement dit des demandes d’acquisition de biens nationaux. Seul un décret de l’Assemblée nationale permet d'opérer le transfert de propriété, aux municipalités comme aux particuliers soumissionnaires. Ce décret constitue la dernière étape d’une procédure administrative rigoureuse :
1° Délibération du conseil général de la municipalité : la demande de soumission doit être formellement entérinée par une délibération du conseil général de la municipalité. Deux expéditions du registre des délibérations sont envoyées, l’une, au directoire du département, l’autre, à celui du district. Conformément au décret du 14 mars 1790, les communes s’engagent à déposer à la Caisse de l’extraordinaire, immédiatement après leur acquisition, les trois quarts du prix capital qui sera fixé, en 15 obligations payables (en espèces ou en assignats) en 15 années et portant intérêt à 5 %.
2° Rédaction de la soumission : en vertu du décret du 15 août 1790, les municipalités et les particuliers soumissionnaires doivent envoyer trois copies de leurs soumissions : une au comité, une au département, une au district.
La municipalité dresse un état estimatif pour chaque bien qu’elle souhaite acquérir. Ces états sont envoyés aux directoires de district, qui les approuvent et les transmettent aux directoires de département, pour vérification et envoi au comité d’Aliénation.
3° Enregistrement de la soumission au comité : à la réception de la soumission par la voie administrative, le comité procède à son enregistrement, en précisant la date de la délibération du conseil général et celle de la réception de la soumission. Il fait dresser des feuilles de synthèse par municipalité, où sont consignées la localisation, l’estimation (produit annuel et détermination du capital d’après les baux, d’après l’évaluation des experts et d’après les offres des soumissionnaires) et les observations des directoires de district et de département.
4° Approbation et enregistrement de l’état estimatif : les municipalités doivent joindre aux procès-verbaux d’estimation et aux évaluations un état détaillé de tous les objets à vendre, envoyé par le comité, via le département, sous forme de modèle imprimé. Cet « État des domaines nationaux évalués ou estimés, et compris dans la soumission de la municipalité », comprend, outre l’évaluation et l’estimation des objets, leur situation, les établissements dont les biens dépendent, les noms des fermiers et locataires, les dates et les prix des baux, les impositions à déduire, le produit net, les évaluations d’après les baux et les estimations à défaut de baux. Après l’analyse des pièces justificatives, le comité enregistre l’état estimatif des biens soumissionnés.
5° Décret d’aliénation : il est proposé à l’Assemblée par le comité d’Aliénation sous la forme suivante :
« Département de …
District de …
Canton de …
Municipalité de …
Décret de l’Assemblée nationale,
rendu le …
L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’Aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le … par la municipalité de …, canton de…, district de …, département de…, délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de …, le …, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entr’autres domaines nationaux, ceux dont l’état est ci-annexé ; ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois dernier [mai 1790] ;
Déclare vendre à la municipalité de … les biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai et pour le prix de …, payable de la manière déterminée par le même décret. »
6° Règlement des frais d’administration et de vente :
- l’instruction du 31 mai 1790 met à la charge des municipalités tous les frais relatifs à l’aliénation et à la vente des domaines nationaux sur lesquels elles percevaient le seizième du prix d’adjudication à mesure des paiements par les acquéreurs, pour s’indemniser de leurs frais (cf. également la circulaire d’Amelot aux départements, du 11 juillet 1791, et le décret du 14 mai) ;
- les administrateurs de district font dresser l’état de tous les frais occasionnés par l’estimation et la vente des domaines nationaux (salaires des experts, géomètres et arpenteurs, frais d’impression, de criée des enchères, de publication, frais de bureau, etc.). Les frais d’administration comprennent tous ceux qui ont été occasionnés par la perception des revenus des domaines nationaux. Tous ces états, dressés par les districts et vérifiés par les départements, sont envoyés à l’administrateur de la Caisse de l’extraordinaire.
L’application de cette procédure cesse à partir du 1er septembre 1791, date à laquelle les compétences administratives du comité d’Aliénation sont transférées au « commissaire du Roi, administrateur de la Caisse de l’extraordinaire » (décret du 26 août 1791). Ce dernier devient donc le destinataire de la correspondance et des pièces justificatives envoyées jusque-là au comité d’aliénation, qui doit (art. 1er) faire remettre au commissaire du roi « tous les papiers, mémoires et états existants dans ses bureaux, autres que les minutes de décrets et états de ventes faites aux municipalités, lesquels seront déposés aux archives de l’Assemblée nationale [le dépôt des pièces est effectué à la fin du mois de septembre 1791]. Le ministre de la Justice adressera au commissaire du roi, administrateur, une expédition en forme, de tous lesdits décrets et de ceux qui seront rendus à l’avenir » (cf. sous la cote D/XXII/2, dossier 11 les « récépissés de décrets d’aliénation de domaines nationaux adressés par le ministre de la Justice à M. Amelot, administrateur de ces domaines, ensemble les bordereaux de ces mêmes décrets. Années 1792 & 1793 »). Il revient à la Caisse de l’extraordinaire de surveiller la rentrée des fonds provenant de la vente des biens nationaux et de contrôler la gestion des 548 receveurs de districts.
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le Comité d'Aliénation des domaines nationaux et le Comité des Domaines fusionnent pour former le Comité des Domaines et d'Aliénation
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