https://rdf.archives-nationales.culture.gouv.fr/agent/050261
rdf:type
rico:birthDate
rico:deathDate
rico:history
Pierre Lafue est né le 18 septembre 1895 à Pont-de-Monvert (Lozère). Il est le fils de Léon Lafue, receveur municipal, et d’Eugénie Gui (ou Guy). Le couple aurait eu quatre enfants, trois garçons, Jules, Jean et Pierre, et une fille, Amélie. Le jeune Pierre Lafue effectue ses études secondaires au lycée d’Alès (Gard). Il étudie ensuite à la faculté des lettres de Montpellier où il obtient, en 1916, son diplôme de licencié ès lettres-allemand.
En octobre 1917, il est nommé délégué pour l’enseignement des lettres et de l’allemand au collège de Cusset dans l’Allier. Il devient professeur à part entière en décembre 1921. Il enseigne à Cusset jusqu’en 1929, date à laquelle il obtient une mutation très attendue en région parisienne. Il exerce d’abord une année à Étampes (Essonne), puis gagne Paris où il professe au lycée Jean-Baptiste Say, de 1930 à 1942.
En 1934, il rencontre Georges Mandel, alors député. Les deux hommes sympathisent. L’année suivante, lorsque Georges Mandel est appelé au ministère des Postes, télégraphes et téléphones (P.T.T.), il demande à Pierre Lafue de se joindre à son équipe. Celui-ci accepte, mais demande un aménagement de ses horaires, car il souhaite continuer à enseigner. Il devient la plume du ministre et rédige, entre autres, des communiqués de presse et des discours. Les échanges avec Mandel sont quotidiens ; le bureau de Pierre Lafue communique avec celui du Ministre. Le travail plaît à Pierre Lafue, car le ministère des PTT contrôle, à l’époque, la Radiodiffusion française. Il évoque, dans ses souvenirs, le journal parlé que Georges Mandel avait créé et auquel il collaborait.
En 1938, lorsque Mandel est nommé ministre des Colonies, Pierre Lafue répond à son appel pour s’occuper de la presse et de la radio. Tous les quinze jours, il compose une « dramatique » d’une heure trente lue sur les ondes. Il évoque la vie de personnalités célèbres comme Pierre Savorgnan de Brazza ou Isabelle Eberhardt. Il travaille avec l’écrivain Henri Clouard, qui est professeur à l’école Lavoisier à Paris. Pierre Lafue assure également la représentation du ministère auprès des services de la Censure et de l’Information alors dirigés par Jean Giraudoux, et installés à l’hôtel Continental. C’est au ministère des Colonies qu’il rencontre Marguerite Donnadieu (Marguerite Duras) avec laquelle il va travailler.
Pierre Lafue accompagnera ensuite Georges Mandel durant les quelques semaines où celui-ci se voit confier le portefeuille du ministère de l’Intérieur, en mai-juin 1940. La démission de Paul Reynaud vient rapidement mettre un terme à ce qui fut leur ultime collaboration.
En 1943, Pierre Lafue obtient un congé sans traitement pour se consacrer à ses travaux littéraires et historiques. Il ne réintégrera pas l’Éducation nationale et prendra officiellement sa retraite en 1960.
Il décède accidentellement le 8 août 1975, près de Reims. En 1964, il avait épousé Yolande d’Argence, à l’origine de la Fondation Pierre Lafue, créée en 1976.
Si Pierre Lafue est connu du grand public, ce n’est pas tant par sa carrière professionnelle brièvement résumée, que par ses travaux journalistiques, historiques et littéraires, fort riches et fort divers. Ces travaux menés tout au long de sa vie y tiennent une place prépondérante.
Le journaliste
C’est au lycée qu’il développe son goût pour l’histoire et l’écriture. Jeune étudiant puis jeune enseignant, il donne déjà des articles dansLe Petit méridionaletLe Pays. Il se passionne pour les questions d’actualité et effectue plusieurs séjours à l’étranger, notamment en Pologne et en Allemagne. Sa collaboration auPetit méridionallui permet de rencontrer Gaston Doumergue qui y commentait, à l’époque, les évènements du jour. Pierre Lafue lui consacrera une biographie publiée chez Plon en 1933.
Les différentes versions manuscrites conservées de ses mémoires qui couvrent plus de quarante années de sa vie, recoupées avec la version publiée en 1978 sous le titrePris sur le vif, mettent en avant ses rencontres avec de nombreuses personnalités de premier plan, figures politiques et intellectuelles. Il est cependant extrêmement difficile, faute d’éléments précis et parfois contradictoires, de les replacer dans une chronologie exacte.
Pierre Lafue fait remonter son journal au début de l’année 1921, date à laquelle il envoie un article sur Marcel Proust à laGazette de Lausannedirigée par Maurice Muret. Non seulement cet article lui permet de rencontrer l’écrivain quelques semaines plus tard, mais il lui ouvre les portes de laRevue hebdomadairedirigée par François Le Grix. Celui-ci lui propose de tenir la rubrique des livres nouveaux et lui offre de publier, périodiquement, des articles d’actualité. Pierre Lafue effectue un reportage en Allemagne pour la revue. Il s’entretient avec Karl Sternheim, le père de l’expressionnisme allemand, et se joint, durant quelques jours, à un groupe de jeune allemands révoltés contre leurs aînés. Cette dernière expérience, la révolte des "Fils" contre les "Pères" le marquera durablement. En 1950, il publiera une Histoire de l’Allemagne, preuve de son intérêt et de son attachement à ce pays. Plus tard, en 1922 (?), il se rend en Union soviétique et interviewe Lénine dans sa datcha, située à quelques dizaines de kilomètres de la capitale moscovite. Pierre Lafue écrira, en 1930, un ouvrage sur le père de la révolution russe sous le titreLénine ou le Mouvement.
Un article qu’il ne signe pas, publié dans Le Mercure de France le 1er avril 1927, l’installe définitivement dans le petit monde littéraire. Sous le titre « L’Église et l’Intelligence », Pierre Lafue critique violemment l’Église catholique romaine. Soupçonné d’être l’auteur de ces quelques pages, Charles Maurras devra réagir à la une d’un numéro deL’Action Française.
À quelques temps de là, Pierre Lafue publie son premier roman,La France perdue et retrouvée. Il y relate l’histoire de l’un de ses camarades de lycée condamné et fusillé à la suite de son implication dans les mutineries qui secouèrent l’armée française au cours de l’année 1917. Ce roman est publié chez Plon dans la collection du Roseau d’Or lancée durant l’entre-deux-guerres par des écrivains catholiques, dont Henri Massis et Jacques Maritain.
En 1932, Pierre Lafue se rend à Heidelberg pour suivre des cours d’allemand dispensés à l’université durant les vacances ; il espère également pouvoir se rendre à Munich pour rencontrer Adolf Hitler qu’il souhaite interviewer. Cette dernière idée lui a, semble-t-il, été soufflée par Gaston Doumergue. Il réussit à l’approcher et, de retour en France, publie un article dans un quotidien du matin.
L’année suivante, Henri Massis lui propose de collaborer à un nouvel hebdomadaire de questions d’actualité qu’il va diriger et qui aura pour titre le millésime de l’année courante ; c’est ainsi que naît1933qui sera suivi de1934.Pierre Lafue travaille avec Thierry Maulnier et Robert Brasillach autour du rédacteur en chef, Jacques-Napoléon Faure-Biguet. Il a pour tâche de traiter de tout ce qui concerne l’Allemagne, mais signe également des chroniques dans la rubrique des "échos". Pour la revue, il interviewe notamment Marcel Déat et Gaston Bergery. En février 1934, quelques jours après la manifestation antiparlementaire qui conduit à la démission de Daladier et à la nomination de Gaston Doumergue, nouveau président du Conseil, Pierre Lafue, sur les conseils de Massis, demande à Georges Mandel de lui communiquer des informations politiques pour alimenter 1934. Le député accepte et, dès lors, les deux hommes se voient régulièrement.
Au printemps, muni d’une lettre d’introduction de François Le Grix, nouveau propriétaire de L’Ami du Peuple, Pierre Lafue se rend à Rome pour rencontrer Mussolini. Il explique, dans ses mémoires, qu’il s’agissait d’une « mission » effectuée à la demande de Gaston Doumergue, inquiet d’un éventuel rapprochement de l’Italie et de l’Allemagne. Un mois plus tard, sur sa lancée, il se rend en Autriche pour s’entretenir avec le chevalier de Wiesner, chef des monarchistes autrichiens, et le chancelier Dollfuss. Il rentre en France plus que pessimiste sur l’avenir de l’Autriche ; l’histoire lui donnera raison.
Le romancier et l’historien
Pierre Lafue met ses activités journalistiques entre parenthèses pour travailler avec Georges Mandel. Il publie toutefois un roman en 1939,Le Village aux trois ponts, dans lequel il retrace l’épopée de son village natal, Pont-de-Monvert, en Lozère, « récit à demi autobiographique, à demi légendaire ». L’armistice signé, il part pour Tulle, auprès de son frère aîné, Trésorier-Payeur général de la Corrèze. Quelques mois plus tard, Pierre Lafue est de retour à Paris. Il fréquente la brasserie Lipp et les cafés de Flore et des Deux-Magots où il côtoie Jean-Pierre Maxence, Ramon Fernandez, Léon-Paul Fargue, Jean Paulhan, François Mauriac. En mars 1941, il publie un roman chez Gallimard,La Plongée. L’année suivante, ce sont deux ouvrages historiques,L'Assassinat du duc de GuisepuisLouis XVI, l'échec de la révolution royale, qui paraissent sous sa plume.
En 1943, il passe en zone libre, et se réfugie à Vichy où il retrouve Henri Massis qui dirigeLa Revue Universelledepuis la mort de Jacques Bainville. Pierre Lafue va s’occuper de la rubrique littéraire de la revue et supplée à ce poste Thierry Maulnier. Lui-même évoque, dans ses souvenirs, ses séances à l’annexe de la Bibliothèque nationale installée dans la ville thermale. L’écrivain sort un nouveau roman,L 'Arbre qui avait pris feu, puis à nouveau deux biographies historiques respectivement consacrées à Pierre-Marie Desmarest, chef de la police secrète de Napoléon 1er, et à Louis XVIII.
Après la guerre, de retour à Paris, il poursuit ses travaux littéraires et journalistiques. L’on signalera sa tétralogie,Patrice ou l'Été du siècle, dont les volumes seront publiés entre 1945 et 1947. En parallèle, il reprend la publication d’articles d’actualité qu’il fournit, notamment, au service de documentation économique de l’Agence de presse. Il donne également des articles pour des revues de vulgarisation historique telles que Miroir de l’histoire et Historia. Pour la radio, il adapte des feuilletons historiques et écrit en collaboration avec André Lang et Henri Clouard des pièces dont la trame est également historique.
Jouissant d’une notoriété certaine dans les milieux littéraires du XXe siècle, Pierre Lafue est aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli. Pour cette raison, la mise à disposition de ses archives devrait permettre la redécouverte d’une œuvre, mais également d’un homme à multiples facettes, énigmatique à bien des égards, qui vécu et se passionna pour son temps.
owl:sameAs